Variation sur l’empêchement
Avec l’artiste Abigaël Lordon, cette balade est une commande de Art-Cade, Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine, au sein du programme Archist.
Le canal de Marseille dessert l’intégralité des quartiers de la ville entre Saint Antoine et la Madrague de Montredon. Fil horizontal serpentant entre les vallons, il fraye son chemin a travers les pavillons, les zones d’activités, les friches, reliant le Nord au Sud dans un même mouvement liquide. Le canal de Marseille, long de 80 km, entre en écho avec le territoire.
Dans la vallée de l’Huveaune, alors qu’autoroute, voies ferrées et autres flux se font parallèles à l’écoulement de la rivière, le canal tente le franchissement transversal par un étonnant dispositif de siphon. Il traverse alors toutes les strates d’occupations, du résidentiel à l’industriel, de l’agriculture à la friche, dans une incroyable partition de motifs contrastés.
Hélas ! Son approche n’est pas chose facile. Le canal se cache, se terre derrière des portes grillagées. Attentions aux lourdes interdictions. Les tunnels, les propriétés privées, les barrières, les murs, sont autant d’empêchement à la promenade que l’on aimerait libre et continue. La marche devient alors plus ardue. Pour suivre le fil, les détours s’imposent dans un jeu de cache-cache perpétuel. Il faut alors redoubler de malice.
Abigaël Lordon et Julien Rodriguez proposent une tentative d’approche du canal de Marseille entre la Valentine et Saint Marcel. Lors d’un café convivial, les cartes sont remises au marcheurs qui peuvent partir selon leurs rythmes. Ce document est le support d’exploration de la balade, avec ce cheminement en tête : comment s’approcher du canal au plus près ?
Cette carte dramaturgique témoigne d’un regard singulier sur le territoire, et pose la question de sa représentation. Les promeneurs, en groupe de 2 ou 3, sont alors amenés à choisir leur propre parcours et à contourner les obstacles. Ceci en sortant parfois de la carte, comme autant d’invitation à l’exploration et à la curiosité. Deux temps d’échange entre les marcheurs sont proposés, le premier lors d’un départ échelonné du village de la Valentine et le deuxième à l’arrivée à Saint Marcel autour de la galerie mobile.
Les grilles, les portes closes, les murs appellent des échappatoires et des chemins de traverses. Les parcours le long du canal posent la question du franchissement des espaces, souvent obstrués, murés, en impasse. C’est une variation sur l’empêchement qui vous est proposée, une invitation à jouer entre carte et territoire, annotations et sensations, pour se faufiler entre les lignes et trouver les failles de la ville.